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Le renoncement de Howard Devoto de Benjamin Fogel

Benjamin Fogel, ça fait quelques années que je le suis par écran interposé. Son blog "Playlist Society" a fait bien du chemin depuis les chroniques régulièrement "trollées" des disques de Greenday ou U2. Désormais, il joue dans la cour des grands : son blog réunit un nombre croissant de collaborateurs; ensemble, ils ont créé leur propre maison d'édition. Mais "Le renoncement de Howard Devoto" a profité d'un éditeur plus renommé, "Le Mot et le Reste", qui n'est pas à son coup d'essai dans le genre biographies "rock". Bref, si je suis resté à mon humble niveau, conscient de mes limites rédactionnelles, Benjamin n'a cessé de progresser, son écriture s'affinant pour ne garder que l'essentiel. Ce livre, l'un des rares sur cet artiste pourtant majeur du rock de ses quarante dernières années, est une biographie matinée de fiction. En effet, Devoto reste un personnage pour le moins mystérieux et l'auteur n'a semble-t-il eu d'autres choix que de combler les "trous" avec quelques partis pris personnels. Ce procédé permet ainsi de conserver une lecture fluide. Après, il serait intéressant d'avoir l'avis du chanteur sur cette biographie non officielle. Tous les événements de sa carrière y sont abordés, de son enfance dans le Nord de l'Angleterre, au fameux épisode de la première venue des Sex Pistols à Manchester dont Devoto alors tout jeune étudiant fut à l'origine, en passant bien sûr par la carrière musicale à proprement parler. Le renoncement de Howard Devoto, c'est la clairvoyance du chanteur qui, dès la sortie du premier EP des Buzzcocks, claque la porte du groupe et du punk, voyant déjà un mouvement rattrapé par les médias et le marketing. Le renoncement de Howard Devoto, c'est aussi l'abandon de Magazine, sa grande oeuvre, inventeur du post-punk, par manque de succès, de reconnaissance et le sentiment d'inutilité, de n'avoir plus rien à dire. Devoto jettera l'éponge après plusieurs tentatives infructueuses post-Magazine, trouvant un boulot dans la société civile, comme n'importe quel quidam.
Plus que le premier concert des Sex Pistols à Manchester, le livre cite le premier passage de Magazine à Top of the Pops comme événement décisif de la carrière de Devoto. Le chanteur par esprit de rébellion, décide de ne pas chanter, histoire de bien montrer la supercherie du playback orchestré par l'émission de la BBC. Son geste ne sera pas compris, plongeant les autres membres du groupe non prévenus dans le désarroi. Mais c'est surtout le public (et la critique) qui lui feront payer le prix fort : alors que Magazine commençait à rencontrer le succès (d'où le passage à la télé), les ventes de disques baissent subitement et leur second album sortira déjà dans un relatif anonymat. Suite à cela, Magazine restera continuellement en marge. Benjamin Fogel ne prend pas parti, faisant dire à Devoto qu'il avait sans doute été stupide d'agir de la sorte. Reste une chose sur laquelle je le rejoins: cet homme n'est pas considéré à la place qu'il mérite dans l'histoire du rock, à savoir très haute. Chose que ce livre essaie de démontrer. Benjamin a eu raison de ne pas renoncer à écrire.

Commentaires

  1. Je ne connaissais pas cet aspect de sa carrière, en fait autant j'adore ce qu'il a fait autant son cheminement ne m'intéressait pas trop. mais MAGAZINE dès que je les découvre à la radio avec ce SHOT Whouaaaa... J'ai trop de retard en lecture pour me jeter sur 'ton' livre. Mais je reste sensible à l'histoire d'un musicien de talent qui abandonne en 2011 alors? Sorti de leur dernier album? Je me souviens que lorsqu'est sorti "second.." mon entourage a été déçu de cette orientation limite prog. Mais comme je n'avais jamais renié mon goût pour le "sophistiqué" je continuais à défendre ce disque presque vénéneux. Et du coup c'est moi qui ai un peu grimacé sur "correct..." autre tournant. jamais là où on veut le Devoto. Il ne me reste plus qu'à demander si tu n'exagères pas la place que tu lui donnes dans la musique "pop"? Pour rééquilibrer un manque de notoriété?

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    1. Oui, Magazine s'est reformé en 2008 avec un disque sorti en 2011. On ne sait pas s'il y aura à nouveau quelque chose... Mais quand je parle qu'il a abandonné, c'est bien avant ça... Je ne sais pas si j'exagère sa place dans l'histoire. C'est un avis perso. Il a effectivement plutôt été toujours en marge que véritablement précurseur. Même si c'est lui qui en faisant venir les Sex Pistols à Manchester déclenche la formation de groupes aussi importants que Joy Division, The Fall ou les Smiths. "Real Life" est un de mes disques préférés.

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    2. Ho oui, il y a de tout dans "Real Life", un gros son, rien le premier titre quelle énooooorme claque. j'y entends du Bowie en plus grave dans ce titre très cabaret à la Magazine "Parade" et la spirale de "Motorcade" et puis il y a un titre si je ne me trompe pas qui fait penser au Buzcocks, non, même démarrage en trombe.... grand album rien à dire, au carrefour passé et punk (?) et new wave. Mais je suis tombé sous le charme du suivant. mais je l'ai déjà dit ;-) je radote

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    3. Voilà, "Real Life" est un disque qui marie à merveille plein d'influences et dont le style est inimitable et inimité aussi. Le suivant est celui que j'aime le moins. J'adore aussi le troisième "the Correct use of soap".

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    4. J'aime bien le live de l'émission Chorus présenté par Antoine de Caunes en 1978. Quand on pense que ça passait à l'époque sur la télévision publique et maintenant, on en est à des pétitions pour que des trucs aussi ineptes que Taratata revienne à l'écran...

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  2. Merci beaucoup Vincent pour le papier et pour les souvenirs (j'ai tendance à oublier un peu cette période trolling, et je crois qu'on a même supprimé de la base PS la majorité de mes anciens articles). Pour ce qui est de ne pas avoir renoncé, je te cache pas que c'était un peu le coup de la dernière chance. J'avais déjà écris auparavant trois romans qui avaient tous été refusés, et j'avais bien failli ne jamais me lancer dans ce nouveau projet.

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    1. Dommage que les anciens articles aient été supprimés. Maintenant, il n'y a plus beaucoup de trolling sur les blogs. Il a été déplacé sur Facebook ou Twitter. De toute façon, il n'y a pas grand monde à lire les blogs... surtout de musique. Franchement, j'ai bien aimé ton bouquin, ça se lit comme un bon polar :-) J'espère que ça ne sera pas le dernier !

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