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"Freaks qui peut !" de Luke Haines


Qu’est-ce qu’un freak ? Vous êtes-vous déjà posé la question ? La réponse vous intéresse-t-elle ? C’est le thème du nouveau livre de Luke Haines, le chanteur de feu The Auteurs qui se définit lui-même comme un freak, un inadapté et plutôt fier de l’être. Le freak ne doit jamais rencontrer le succès véritable. Il doit rester aimé d’une minorité, généralement d’autres freaks. Ce livre décrit le parcours musical de Haines, de son enfance à aujourd'hui. Il y parle de ses coups de cœur, de ses convictions parfois légèrement changeantes au fil des années, bref de la construction de sa personnalité. Si certains pourraient lui reprocher un trop fort parti pris, triant de manière souvent péremptoire le bon grain de l’ivraie, c’est aussi ce qui fait l’attrait, l’intérêt de la démarche, cette subjectivité revendiquée. S’il y a l’évident chapitre sur les Beatles, tout anglais a forcément un rapport particulier avec les Fab Four, il y a surtout des pistes musicales à rebours du tout venant et du "prêt à écouter" des critiques rock, comme les premiers T-Rex, ceux d’avant le succès massif avec le freak Steve Peregrin Took, Hawkind, The Incredible String Band, le Genesis de Peter Gabriel, les Rallizes Dénudés et j'en passe. 
Il faut aussi avouer que n’étant pas anglais et n’ayant pas vécu la même enfance avec les mêmes repères, la même télévision, il y a beaucoup de références qui ne me parlent pas du tout. Heureusement, le talent de Haines pour décrire les choses fait qu’on parvient quand même bien souvent à s’identifier. "On n’a pas le même maillot mais on a la même passion" comme dirait une certaine pub. Quand il parle par exemple du revival des danses Morris - que j’ai pour l’occasion découvertes - dans les années soixante-dix, c’est assez irrésistible. Bien sûr, il y est aussi question en filigrane de sa carrière, de ses premiers groupes mal dégrossis, à The Servants - dont le disque est "plus rare qu'une pensée originale de Brian Eno" (sic) - à The Auteurs bien évidemment, The Black Box Recorder dont le très déprimant "Child Psychology" a fait parler de lui dernièrement grâce à une vidéo tic-toc de... Billie Eilish, et à ses plus récentes collaborations avec Cathal Coughlan ou Peter Buck. Il y a aussi un chapitre qui parle de la pochette de "England Made Me", considérée comme la plus belle photo du 20eme siècle d'après l'artiste Jeremy Deller, rien de moins. On y trouve le catcheur glam Adrian Street prenant la pose dans la mine de charbon de son père, au Pays de Galles. 
Bref, voilà un livre rempli d’anecdotes, de découvertes, bancal, bordélique à souhait, dont on a du mal à voir le fil directeur, à l’image de cette culture anglaise qui se fout de la raison et du raisonnable. Vous avez sans doute déjà fait l’expérience de musées ou expositions Outre Manche où tout parcours logique paraît soudain facultatif. Luke Haines est ce pote aux avis toujours tranchés, qui nous énerve mais qu’on respecte aussi pour cela. Que nos opinions convergent ou non, comme pour les trop méconnus et géniaux The Go-Betweens, c’est toujours un régal à lire, car il y a une vision unique de la musique, des gens, de la vie, qui se fiche des préjugés et qui est, de ce fait, de rare et précieuse. 

Ci-dessous une playlist très subjective de chansons dont il est fait mention dans le livre... et merci à maman pour ce cadeau rigoureusement inutile donc indispensable 😘

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