L'autre jour, je suis tombé par hasard sur une très jolie lettre de l'acteur Philippe Torreton (retranscrite par un "collègue" blogueur ici), bien connu pour ses positions socialistes - il fait d'ailleurs partie de l'équipe municipale de Delanöe à Paris - adressée au chanteur défunt Jean Ferrat, bien connu lui pour ses penchants communistes. Et je me suis dit, pourquoi pas moi... Ben oui, pourquoi lui, il a le droit d'écrire aux morts, et pourquoi je ne pourrais pas.
Cher Jean,
Bon, je te le dis tout de suite (oui, je te tutoie, entre camarades, ça me parait plus approprié), pendant longtemps, j'ai cru que tu étais ce chanteur pour papys et mamies, pas marrant, avec bacchantes de rigueur (sauf dans ta prime jeunesse comme sur la pochette de ce single où tu avais de faux airs de gendre idéal), chansons surannées et vantant les bienfaits de la vie au grand air (la fameuse "Montagne") mais paraissant sentir le renfermé. Tu étais bien loin de mes priorités de jeune citadin aux visions étriquées, amateur de rock de surcroit. Et puis, à ta mort, j'ai entendu le concert de louanges pour le parcours accompli, la droiture de ton engagement, le respect de valeurs sans doute vieillottes mais malheureusement devenues trop rares aujourd'hui. Maintenant, travaillant tout près du QG de la CGT à Montreuil, j'entends presque toutes les semaines ton répertoire (enfin, surtout la fameuse "Montagne"). On est devenu plus proches. Comme Torreton et beaucoup d'autres, j'ai été marqué au premier tour des élections présidentielles, par le nombre très élevé de personnes ayant voté pour le Front National. Je suis aussi outré par cette campagne d'entre deux tours au raz du caniveau, par ce candidat de droite prêt à tout pour parvenir à ses fins et obtenir un nouveau mandat. Comme si sa vie en dépendait, alors que c'est plutôt de la notre dont il s'agit. Ce discours de peur de la crise, de rejet de l'autre, ces arguments de cours de récréation, ces propos dignes de comptoirs de bistrots, ce sentiment d'insécurité qu'il distille depuis plusieurs années et cette posture de "petit père du peuple" qu'il adopte désormais en toute connaissance du passé, je ne peux plus le supporter. Ce soir, les deux candidats débattront pour soit disant confronter leurs idées, leur programme. Mais plus que des idées, un programme, ce sont des valeurs qu'il faut défendre. Des valeurs de respect, de fraternité. Des valeurs humaines, tout simplement. Comme les tiennes, Jean. C'est forcément dommage qu'on en soit arrivé là car, désormais, le choix est restreint. Alors voilà, quand le monde des vivants nous donne la nausée, on parle aux morts, ça soulage. Cher Jean, j'espère maintenant te laisser reposer en paix. Le 6 mai à 20h, tout devrait rentrer dans l'ordre. On fera comme s'il ne s'était rien passé. Jusqu'à la prochaine fois...
Ma môme, ell’ joue pas les starlettes
Ell’ met pas des lunettes
De soleil
Ell’ pos’ pas pour les magazines
Ell’ travaille en usine
A Créteil
Dans une banlieue surpeuplée
On habite un meublé
Elle et moi
La fenêtre n’a qu’un carreau
Qui donne sur l’entrepôt
Et les toits
On va pas à Saint-Paul-de-Vence
On pass’ tout’s nos vacances
A Saint-Ouen
Comme famille on n’a qu’une marraine
Quelque part en Lorraine
Et c’est loin
Mais ma môme elle a vingt-cinq berges
Et j’crois bien qu’la Saint’Vierge
Des églises
N’a pas plus d’amour dans les yeux
Et ne sourit pas mieux
Quoi qu’on dise
L’été quand la vill’ s’ensommeille
Chez nous y a du soleil
Qui s’attarde
Je pose ma tête sur ses reins
Je prends douc’ment sa main
Et j’la garde
On s’dit toutes les choses qui nous viennent
C’est beau comm’ du Verlaine
On dirait
On regarde tomber le jour
Et puis on fait l’amour
En secret
Ma môme, ell’ joue pas les starlettes
Ell’ met pas des lunettes
De soleil
Ell’ pos’ pas pour les magazines
Ell’ travaille en usine
A Créteil
Très beau papier, y a rien à changer, chapeau. Et c'est sûr, vivement dimanche soir qu'on revive ;)
RépondreSupprimerMerci du compliment, m'sieur Blake. D'ailleurs, je crois que je ne vais même pas le regarder ce débat... Question de priorité.
RépondreSupprimerCher Vincent,
RépondreSupprimerDifficile de réagir à ta belle lettre sans trahir ses propres opinions politiques. Bah... qu'importe, après tout ? Après une telle campagne outrancière et nauséabonde de la part du candidat bientôt sorti, résister et défendre les valeurs de la République devient un impératif moral !
Le pire avec Sarko, c'est la subversion du langage qu'il pratique en permanence (et rend quasi impossible tout débat serein avec lui, surtout à la télé...) Un seul exemple, lorsqu'il prétend que par ses "réformes justes", il a réussi à "sauver notre modèle social" (alors que justement ses mesures démantèlent l'Etat providence !)
Insupportable aussi, toutes les "petits arrangements avec la vérité" (comme on dit pudiquement dans les médias) que cet ex-avocat d'affaires-bonimenteur n'hésiste jamais à employer. Le débat d'hier soir nous en a offert tout un florilège... Le comble, c'est que simultanément Sarko ose traiter son adversaire de "calomniateur" (sic)
Alors, par pitié, dimanche "on 6 mais tous pour ne pas que Sarko-mence" et célébrer "[Notre] France", belle et rebelle, comme l'a si bien chanté Ferrat !
Salut fraternel,
J-P.
Merci JP ! Oui, la rhétorique de Sarkozy repose sur un simple fait : qu'il a raison et que les autres ont tort, et donc que ses réformes sont intrinsèquement justes. Ce qui est le plus dingue encore, c'est qu'aucun journaliste ne cherche à remettre cette argumentation très enfantine en cause...
RépondreSupprimerEnfin, bref, c'est exaspérant et dans ces cas-là, j'ai bien du mal à garder mes opinions politiques secrètes ;)
Merci pour la lettre poignante adressée post-portem à Jean Ferrat. J'aime la manière dont vous avouez ne pas l'avoir trop aimé de son vivant et l'apprécier à présent , c'est ce qui fait d'un Artiste quelqu'un d'éternel.
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