Accéder au contenu principal

Nick Drake : une oeuvre

Aujourd'hui, j'entame une semaine entièrement consacrée à l'un des plus grands chanteurs folk - sinon, le plus grand - de l'histoire. Les admirateurs de Dylan ou de Young pourront venir se plaindre, à part Cohen, pour moi, il n'y en a pas un à espérer rivaliser. En dehors de sa musique qui sera le sujet principal de ce premier article et réussit l'exploit de brasser dans le même temps des styles aussi divers que la pop, le jazz, le classique ou le blues, Nick Drake peut aussi s'enorgueillir de ne jamais avoir été vieux, ni même à la mode. Sa vie reste de plus un mystère que personne, pas même ses proches, ne semble avoir réussi à percer. Pour appréhender la musique du monsieur, nous ne disposons que de trois albums studio. Un disque d'inédits puis plus récemment les fonds de tiroir de la famille Drake sont ressortis sous l'effet du culte grandissant. Car Nick n'a jamais rencontré le succès de son vivant. Trop calme, trop introverti, trop précieux pour son époque, il fait depuis quelques temps l'objet de réguliers éloges de la part de ses pairs. Commençons donc par "Five Leaves Left" premier disque sorti en 1969 et chef d'oeuvre incontestable. Le jeune Nick, a à peine 21 ans, est signé chez Island Records, aidé par son copain d'école Robert Kirby pour les sublimes arrangements de cordes et divinement produit par un des producteurs les plus en vue de son label, Joe Boyd. Pourtant, c'est l'élégant jeu de guitare, la douce voix et les textes poétiques de son auteur qui subjuguent avant tout. Mention spéciale aux classiques "River Man" et "Thoughts of Mary Jane" mais c'est tout l'album qui aurait dû dès cette année-là porter au pinacle le nom de Nick Drake. Tant pis, sa maison de disques n'en démord pas et continue de croire en lui. 
Pour le deuxième essai, "Bryter Layter", Boyd convoque son carnet d'adresses et fait appel à quelques pointures, en tête desquelles le récemment ex-violon du Velvet Underground, John Cale. Cette fois-ci, on n'entend presque plus la guitare de Nick tellement les arrangements se font luxuriants. Le climat est aussi plus apaisé. Impossible aujourd'hui de ne pas voir l'influence majeure d'un titre comme "Hazey Jane II" dans les premiers disques de Belle And Sebastian. Mais le chanteur est déçu du résultat. Il ne s'y reconnaît pas. Les invités ont trop écrasé sa musique. Pour le prochain, il veut se retrouver seul, lui et sa guitare, histoire de démontrer à l'humanité entière son talent propre : ça sera "Pink Moon", poignant chant du cygne d'un homme en rupture totale avec le monde qui l'entoure. Trop timoré pour monter sur une scène - il se produira en tout et pour tout une dizaine de fois en concert, sans doute ce qui a été à l'origine de son manque de notoriété -, il était devenu d'après son entourage de plus en plus transparent au monde extérieur. Ne parlant qu'en de rares occasions, il pouvait disparaître d'une pièce sans que personne ne s'en aperçoive. C'est aussi comme ça qu'il s'en est allé, sans qu'on sache très bien pourquoi. Il n'y avait pas une once de calcul derrière ce terrible naufrage, la musique était à l'image de l'homme : mystérieuse et volatile. On en viendrait même à s'interroger sur son existence réelle. Et ce ne sont pas les chansons parues après sa mort qui viendront expliquer les faits. On peut juste se demander pourquoi des titres aussi incroyables que "Time Of No Reply" et surtout "Magic", écrits en 1968, n'ont pas été publiés de son vivant. Et on gardera en mémoire les paroles de cette dernière qui ont fini par se révéler prophétiques, car sa musique est belle et bien intemporelle. Un ange est passé.

I was born to sail away 
Into a land of forever 
Not to be tied to an old stone grave 
In your land of never.

Commentaires

  1. Assez d'accord avec toi: Nick Drake talent méconnu. J'ai un disque de démos quelque part , je pourrais le proposer à l'occasion. J'aime bien la fin "un ange est passé" et cela résume bien la trajectoire du bonhomme.Merci de l'avoir rappelé.

    RépondreSupprimer
  2. Si tu aimes la bande dessinée, je te conseille le livre collectif "Rock Strips 1" où divers auteurs ont eu plusieurs pages pour raconter leur artiste. Et Vincent Vanoli à choisi Nick Drake dans une histoire mystérieuse, onirique et mystique. Dessin en noir & blanc au trait finissant en abstraction, presque comme des sculptures de Giacometti...superbe !
    A +

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Grandaddy & The Lost Machine Orchestra - Paris, le Trianon - 20 avril 2022

Enchaînement de concerts avec un quatrième en trois semaines. Celui-là, je l'avais coché il y a quelques temps déjà. Mais maman n'étant pas grande amatrice du groupe, je l'avais mis en " stand-by " (" Bye-Bye ..."). Et puis, il aura fallu qu'au détour d'une soirée entre parents le sujet soit mis hasardeusement sur la table pour qu'on prenne nos places, à la dernière minute ou presque. Grandaddy, c'est la période bénie de la pop américaine au mitan des années 90-2000. Avec les Flaming Lips (le groupe existait bien avant mais leurs meilleurs disques sont sortis à ce moment-là), Mercury Rev et Sparklehorse. Un quatuor pour l'éternité et au moins quatre chefs d'oeuvres de suite : " Deserter's songs " en 1998, " The Soft Bulletin " en 1999, " The Sophtware Slump " en 2000, " It's a wonderful life " en 2001. On pourrait même rajouter Wilco en 2002. Ce soir-là, au Trianon, magnifique écrin

Panda Bear & Sonic Boom - Reset

" Reset " ? Pas vraiment aurait-on tendance à penser de prime abord. On reconnaît tout de suite Panda Bear dès les premières notes et le chant si caractéristique. Le génie mélodique derrière Animal Collective, c'est lui. Le style de Sonic Boom apparaît ici plus diffus, en filigrane. Les quelques arrangements psychés, c'est lui. Il faut dire que derrière le foisonnement sonore de Noah Lennox, le nom à la ville de notre Panda, difficile de se faire une place. Après le retour inespéré de son groupe à un niveau d'excellence avec " Time Skiffs " paru en février dernier, il en profite pour sortir un disque avec un ami de longue date. Les deux artistes se connaissent depuis plusieurs années, en tant que réfugiés en terre portugaise. L'ancien membre de Spacemen 3 n'a pas connu le même succès que son ex-compère parti formé Spiritualized pour le bonheur que l'on sait. La musique de Peter Kember est plus modeste que celle de Jason Pierce, mais ce n'

Nick Cave & The Bad Seeds, Kraftwerk, The Liminanas, Los Bitchos, DIIV, Aldous Harding, etc - Festival Rock en Seine - 26 août 2022

On ne pouvait pas finir l'été sans un festival. Bon ok, on avait été au Harbour Bristol Festival, mais celui-là était en plein centre ville, on n'y retrouvait pas vraiment l'ambiance d'un festival classique. On a donc joué au plus court de chez nous : Rock en Seine au parc de Saint-Cloud. D'autant que la programmation, cette année, était plutôt alléchante. On sentait que les programmateurs voulaient rattraper ces deux années perdues en raison du COVID. Le jeudi était dédié au rock pour "jeunes", même si peu d'entre eux écoutent encore du rock, avec la jeune garde britannique, Yard Act, Fontaines DC, Idles et comme tête d'affiche les valeurs sûres d'Arctic Monkeys. On avait plutôt choisi avec maman, le rock pour "vieux", avec la date du vendredi. Et oui, on assume complètement notre âge. On est arrivé presqu'à l'ouverture, en tout cas pour les premiers concerts. Les Bretons de Gwendoline - un rennais, un nantais, pour la paix