Finalement, je ne suis pas allé au festival de Pitchfork : trop cher et la programmation ne m'attirait pas plus que ça, hormis Yo La Tengo. Il faudra d'ailleurs que je trouve un moyen de les voir un de ces jours en concert. A la place, je suis allé en face, à la Cité de la Musique, pour une exposition sur le punk. Mais pas n'importe quel punk, celui qui est né dans la deuxième moitié des années 70 en Angleterre, sous l'impulsion du couple de stylistes Malcolm McLaren et Vivienne Westwood. C'est ce punk-là qui engendrera la production artistique la plus intéressante et donc la plus apte à figurer dans un musée. Intéressante pas forcément d'un point de vue musical, car combien de suiveurs et je ne parle pas seulement des groupes de chez nous, pour une poignée seulement de formations essentielles de l'histoire du rock. Les Sex Pistols, évidemment, quoiqu'en diront les réfractaires, car ce sont eux les initiateurs à tous niveaux : musical, visuel et politique. Ils ont même été parmi les seuls à apporter un peu de dérision à un genre qui se prendra bien trop souvent au sérieux. De politique, ils n'en ont fait qu'à travers des textes à priori déconcertants de nihilisme. Mais leur célèbre slogan "No future" n'était pas à prendre au pied de la lettre. Car par "No future", il fallait entendre pas de futur donné par les institutions quelles qu'elles soient. Non, le futur, c'était à chacun de se le créer. C'est cette philosophie de vie, du "do it yourself", qui sera le leitmotiv de toute une jeunesse, à nouveau libérée de tous tabous, mais qui ne rêvait plus de politique et d'un monde meilleur pour tout un chacun, mais seulement de liberté individuelle, hors de tout système et de toute caste. L'exposition essaie de resituer l'effervescence de ce mouvement-là qui n'a duré que quelques années jusqu'à l'apparition de la new-wave, sorte de passage à l'âge adulte. De la rébellion des Clash succédait la noirceur de Joy Division. Comme si la société avait gagné. "I fought the law and the law won" (reprise de Sonny Curtis) chanteront même la bande de l'engagé et regretté Joe Strummer. Peut-être est-ce que le mouvement punk était voué à demeurer éphémère dès ses prémices, avec le message radical des Pistols vociféré avec une belle gouaille d'acteur. Johnny Rotten, de toute façon, ça ne pouvait pas être sérieux. Comme si ce contraste entre le fond et la forme cachait déjà une abdication implicite. Même si, dans l'intervalle, d'autres y ont cru - ou en ont tout du moins profité -, comme le collectif français Bazooka qui dévoilera une esthétique à nulle autre pareille et demeurera sans doute la seule fierté nationale punk.
Pour en revenir à l'expo en elle-même, si elle permet de se replonger agréablement dans cette période que seuls les plus de cinquante ans ont maintenant réellement connu, elle peut laisser sur sa faim. Hormis les dessins de Bazooka, peu de choses m'étaient étrangères. Elle s'adresse donc surtout aux novices, mais les novices s'y intéresseront-ils ? Et puis, les casques d'écoute, comme je l'ai déjà dit, permettent juste de se rendre compte que dans ce mouvement, tout n'était pas à garder, loin s'en faut. Les quelques interviews vidéos apportent un meilleur éclairage, surtout celle de Jean-Pierre Turmel, fondateur du trop méconnu label rouennais Sordide Sentimental. A ma décharge, je suis arrivé trop tard pour enregistrer mon propre morceau de punk à la guitare dans le mini studio recréé pour l'occasion. De même pour l'atelier de badges... Mais ces aspects plus ludiques étaient plutôt là pour occuper ceux que le reste intéressait moins... Les enfants, par exemple. Au final, faire entrer la musique dans un musée reste toujours un exercice délicat, surtout pour une musique aussi énergique et instinctive que le punk...
Heureusement Bazooka n'est pas la seule fierté nationale... En même temps, par les temps qui courent, j'aurais beaucoup de mal à parler de fierté nationale... Le pire est certainement à venir. La question de l'engagement politique du mouvement punk est effectivement la question clef. J'ai récupéré le catalogue de l'exposition hier et je n'ai pas eu le temps d'en faire le tour... Tu posais la question de savoir si ça intéresserait les jeunes générations... Hier soir, mon fils de 8 ans était plongé dans le catalogue avec grand intérêt... Et ma fille de 13 ans a une affiche de Sid Vicious en train de se faire un fix dans sa chambre... Ce qui est bien pratique pour casser l'image de petite fille modèle. Ma femme nous a ramené de la bibliothèque universitaire où elle travaille, pleins de livres sur le mouvement punk et j'ai pu mesurer l'étendu de mon ignorance en ce domaine. Un dernier mot pour dire que le mouvement punk hardcore a quand même pris la relève dès 1986... et que ce mouvement est toujours bien vivant même s'il reste discret et marginal.
RépondreSupprimerTu as raison en ce qui concerne la notion de "fierté nationale" dont à la rigueur, on se fiche éperdument. Si la notion de "nation" pouvait devenir démodée on y gagnerait sans doute. Quand je parlais d'intérêt pour le mouvement punk, je ne parlais pas forcément des jeunes générations. Car comme tu le dis, le punk garde ce côté rebelle bienvenu quand il s'agit de casser une image d'ados modèles. D'ailleurs, au passage, le punk qui était plutôt au départ un mouvement qui venait des classes populaires est maintenant devenu l'apanage des classes moyennes, voire davantage. Preuve qu'il a perdu de son côté contestataire. Quant au punk hardcore, j'avoue y être assez insensible.
RépondreSupprimerSi le mouvement punk est devenu l'apanage des classes moyennes, c'est aussi à cause de son ambition artistique et de sa reconnaissance progressive par le haut de la société... Il faudrait comparer avec le rap, qui sur ce plan, a aussi beaucoup progressé... mais qui reste l'apanage des classes populaires et défavorisée... C'est pareil pour le Jazz qui, à l'origine est une musique populaire, (il suffit de lire les pages lamentables écrites par Adorno) qui maintenant est considéré presque comme de la musique savante.
RépondreSupprimerSi le mouvement punk a perdu son côté contestataire, le punk hardcore reste extrêmement virulent... surtout côté straight edge et Vegan... Peut-être même trop contestataire pour toi? (pour moi aussi, d'ailleurs)
Le punk au musée, ça ne me choque pas plus que ça, comme le dit Sb c'est le lot de toutes les musiques et des arts et styles de vie qui en découlent. Je n'ai pas vécu l'époque, je n'ai pas le même lien émotionnel avec le mouvement, je parle en tant que gamin qui voit tout ça avec distance. Mais fondamentalement, tout peut finir dans un musée, si c'est d'importance historique (c'est le cas), a fortiori quand c'est contestataire (dans le cadre d'un certain art contemporain, c'est très approprié. Il y a une approche conceptuelle très forte du punk derrière ses apparences simplistes).
RépondreSupprimerJ'en profite pour te redonner le lien de mon blog Vincent, il a changé suite à l'arrivée d'un nouveau venu : http://lapopdalexandreetetienne.blogspot.fr/
J'aurais bien écouté ta version d'un morceau punk ;) Dommage !
C'est noté pour ton nouveau blog. Bienvenu à Etienne, donc ;-)
SupprimerOui, le combat existe encore, mais qui pour le mener vraiment ?
RépondreSupprimerAprès avoir parcouru l'expo, je confirme: cela vaut le déplacement. C'est bien fait, documenté comme il faut. Une vraie mine d'infos pour les personnes qui veulent découvrir les racines, les connexions, les différents courants. En tant que fan de tous ces groupes, je suis heureux de les voir honorés via cette reconnaissance.
RépondreSupprimerSyl