En 1973, il y avait d'abord trois types formidables. Trois gars qui ont, chacun à leur façon, marqué l'histoire du rock. Et 1973, plus qu'aucune autre a été leur année. L'année où ils se sont retrouvés tous trois à leur meilleur. En 1973, on découvrait que John Cale pouvait aussi faire des disques de pop de facture classique et baroque, loin de l'image des violons dissonants des premiers Velvet. En 1973, Brian Eno quittait Roxy Music : leur musique ne sera plus jamais pareille. En 1973, Pink Floyd était devenu le groupe préféré des jeunes gens bien. En 1973, Elton John savait encore écrire de grandes chansons. En 1973, les New York Dolls ont voulu mélanger deux choses qui ne se faisaient pas : le glam et le punk. Ils en paieront le prix fort. En 1973, Gainsbourg était plus vicelard et classe que jamais. En 1973, les allemands de Can faisaient moins les malins que d'habitude.
L'époque n'a pas saisi tout de suite l'importance de ces Pink Floyd allemands. Depuis, on ne compte plus le nombre de formations se réclamant de leur héritage. Leur influence semble même supérieure à celle des anglais. Ce "Future Days" est considérée comme leur dernière grande oeuvre et aussi leur plus accessible.
9- Serge Gainsbourg - Vu de l'extérieur
En 1973, on est encore dans l'apogée musicale de Gainsbourg, au beau milieu de ses deux chefs d'oeuvre conceptuels, "Melody Nelson" et "L'Homme à la tête de chou". "Vu de l'extérieur" connu presque exclusivement grâce au célèbre "Je suis venu te dire que je m'en vais" mérite pourtant mieux que cela. C'est la quintessence du génie Gainsbourgien : des mélodies supérieures, des textes grivois et largement érotiques, et cet air détaché, comme si tout semblait facile. Alors que "Vu de l'extérieur", l'homme est plus que jamais unique. Même les anglo-saxons nous l'envient.
8- The New York Dolls - New York Dolls
C'est Morrissey qui a participé à la reformation de ces vieilles poupées bouffies et largement défraîchies au milieu des années 2000. On peut lui en vouloir d'avoir voulu réanimer ses amours de jeunesse. On aurait préféré garder à l'image la pochette de ce premier disque mythique et cette musique alors sauvage, sale, outrancière, beaucoup trop liée à une époque pour pouvoir revivre aujourd'hui sans provoquer une certaine moquerie. Triste carrière d'un groupe qui n'a jamais réussi à trouver son public. La série "Vinyl" produite par Scorsese et Jagger leur rend actuellement hommage.
Non, Elton John n'a pas toujours été ce loukoum adipeux à moumoute. Au début de ces années 70, avec son acolyte Bernie Taupin, il produisait le meilleur de ce qu'on a appelé le glam-rock. Ce "Goodbye Yellow Brick Road", double-album, restera à jamais sa plus grande (et seule ?) réussite. Oui, on peut écouter Elton John sans honte.
N'étant pas un grand amateur du Pink Floyd sans Syd Barrett, vous ne retrouverez pas beaucoup de leurs disques dans ces tops albums par année. "Dark Side Of The Moon" fait bien sûr exception à la règle. Difficile de passer à côté de ce disque matrice, véritable maître étalon pour toute une génération, il faut avouer qu'il vieillit plutôt bien.
5- Roxy Music - For Your Pleasure
Considéré par beaucoup comme le meilleur Roxy Music, "For Your Pleasure" avec sa fameuse pochette sur laquelle on peut voir une certaine Amanda Lear - alors muse de Salvador Dali et amie de beaucoup de chanteurs anglais parmi lesquels Bryan Ferry donc, mais aussi Bowie - n'a pourtant plus la même fougue que leur exceptionnel premier essai. Ferry contrôle le flux. Eno claquera bientôt la porte.
4- John Cale - Paris 1919
"Paris 1919" est sans doute le meilleur disque de l'ex Velvet Underground. Alors qu'on pensait que c'était le membre le plus rock du groupe, responsable entre autres du son brut, sale et déglingué de "White Light / White Heat", sa carrière solo sera plus jalonné de disques beaucoup plus sages. "Paris 1919" est un parfait recueil de chansons pop, évoquant l'Angleterre victorienne. Très classe.
3- Iggy Pop and the Stooges - Raw Power
Bowie vient prêter main forte aux fous furieux Stooges. Du coup, il ajoute son sens de la mélodie et le côté paillettes qui manquaient un tantinet aux chansons rêches du groupe. Les fans de la première heure pourront le regretter. Iggy même a préféré ressortir il y a quelques années, une version produite par ses soins, plus brute et proche du son live. Les Stooges ont beau devenir plus sexys, ils n'en demeurent pas moins une des plus formidables machines de rock'n'roll de l'histoire. "Raw Power" forever !
2- David Bowie - Aladdin Sane
"Aladdin Sane" est un des plus parfaits albums de glam-rock de l'histoire, voire le meilleur. C'est tout simplement une incroyable collection de tubes : "Drive-In Saturday", "The Prettiest Star", "The Jean Genie", etc. Et puis, que dire de la célèbre pochette ? Bowie enfile les chefs d'oeuvre comme les perles, après "Hunky Dory" et "Ziggy Stardust", on sait alors qu'il n'est pas de notre planète.
1- Lou Reed - Berlin
Voici le chef d'oeuvre solo de Lou Reed. "Berlin" est un disque concept, racontant l'histoire d'un couple de junkie, Caroline et Jim, à Berlin. C'est aussi le disque le plus noir de son auteur. L'intermède Bowie et le succès de "Transformer" n'ont pas entamé le côté torturé du monsieur - ça viendra plus tard -, "Berlin" est une magnifique rencontre entre poésie et rock, parfaitement intemporelle.
Oups ! J'ai raté pas mal de choses j'ai beaucoup de posts à rattraper...
RépondreSupprimerGrande année en effet ! J'aurais le même numéro 1 en tous cas, et personnellement je n'ai de problèmes ni avec Pink Floyd ni Elton John, quand c'est bon comme sur ces deux albums-là, je prends.
J'aurais quand même calé Radio City de Big Star, Here Come The Warm Jets d'Eno, Let's Get It On de Marvin Gaye, Black Caesar de J Brown... Puisqu'on est dans la chantilly, pourquoi pas Quadrophenia des Who.
Mais oui dans l'ensemble, ce top est vraiment top, grosse année ! Hâte de voir la suite c'est toujours un plaisir de voir ressortir ta DeLorean musicale :) A+
J'ai mis Here Come The Warm Jets en 1974. Big Star et la soul music, je suis moins fan... Merci pour ta fidélité :-)
SupprimerC'est vrai pour le Eno... Desfois les sources sont contradictoires selon les pressages US et UK aussi, les années sont pas toujours évidentes à choper.
SupprimerCa m'étonne pour Big Star ! A bientôt !
"Pink Floyd [...] groupe préféré des gens bien" ? Pas si sûr, le rock progressif a souvent été décrié par la presse intello genre Rock & Folk, les Inrocks et autres.
RépondreSupprimerPour "ces gens-là", la musique "acceptable", c'était effectivement Bowie, Lou Reed ou les New York Dolls, non ? Qu'en pensez-vous ?
En tout cas, vive la liberté d'écouter ce qu'on veut :-)
Je parle de l'époque. Les Inrocks n'existaient pas encore. Le rock progressif était à la mode. Depuis, effectivement, Pink Floyd est rejeté par une certaine partie de la presse rock. Je pense que c'est aussi une question de génération. Les gens qui étaient ados pendant le punk ont rejeté le Pink Floyd, la musique de la génération d'avant. Comme ceux qui étaient ados au début des années 70, fin des années 60 se sont plus portés vers le hard-rock ou le rock progressif, le rock "technique" et ont dénigré le punk, ce rock basique et facile à faire. Mais bon, je caricature aussi. Maintenant, il n'y a plus vraiment de clans. Comme vous dites, chacun est libre d'écouter ce qu'il veut.
SupprimerEffectivement, c'est une question de génération. Etant ado dans les années 90, on rejetait assez les genres musicaux des années 80, comme la new-wave ou le heavy metal "traditionnel". Personnellement, ce n'est que bien plus tard que j'ai découvert qu'il y avait de la "bonne new-wave" comme Cure, Smiths, New Order ou Siouxsie.
RépondreSupprimerJ'approuve votre affirmation comme quoi maintenant il n'y a plus tellement de clans, et j'irai encore plus loin. Pour ma part, ces dernières années, je n'ai pas vu de nouveaux genres musicaux émerger, tout du moins en musique occidentale. J'ai l'impression que l'innovation de rupture ou créée par opposition à des mouvements existants est à l'arrêt. Les jeunes groupes font un peu un mix de tout pour plaire au plus nombre. Quant musiques clivantes ou "de niche", elles ne se renouvellent pas beaucoup. Qu'en pensez-vous?
En tout cas, merci pour votre blog que je lis avec beaucoup de plaisir et qui me fait découvrir des groupes. Jusqu'à quelle année comptez-vous remonter? :-)
Je suis assez d'accord. L'époque est au politiquement correct. Cette mondialisation, cet accès plus facile à l'autre aurait dû apporter son lot d'originalité, de prise de risques, de savoureuses mixtures. C'est tout l'inverse qui semble s'être produit. Le mélange s'avère souvent tiède et sans saveur, très consensuel. Heureusement, il reste quelques poches de résistance. Mais nous sommes de moins en moins nombreux à rester curieux. La culture et l'art ne semblent plus intéresser qu'une minorité, qu'on dénigre en traitant maintenant d'élitistes ou de bobos.
SupprimerJe ne sais pas encore à quelle année je vais m'arrêter : quelque part dans les années 60, sans doute...
J'étais loin d'être né à cette époque et pourtant, il y a là des artistes qui me fascinent, que j'admire énormément. A commencer par David Bowie qu'est mon n°1. "Aladdin Sane" est plus enlevé et décadant que "Ziggy Stardust", plus surprenant encore ("Time"), un pur chef-d'oeuvre ! Et que dire de la pochette comme vous l'avez d'ailleurs remarquer ? Mythique.
RépondreSupprimerGainsbourg sortait un album moderne avec "Vue de l'extérieur". Certes, moins sophistiqué qu'un "Melody Nelson" mais très beau et j'adore particulièrement les textes inspirés de Charlotte. Et puis, j'aime son humour. C'était un immense artiste.
"Dark Side of the Moon", chef-d'oeuvre des Pink Floyd. Impossible de pas passer à côté. Je lui préfère cependant "Wish You Were Here" pour la créativité immense des sonorités, en particulier sur "Shine on You Crazy Diamond".
Bel article. Ça fait plaisir de voir des gens qui commémore des années comme celle-ci.