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Top Albums 1995



10- Mathieu Boogaerts - Super 
C'est l'histoire de deux amis, tous deux prénommés Mathieu. Outre leur prénom, ils avaient beaucoup de choses en commun. Leur premier disque est sorti à peu près à la même époque. Leur univers musical était alors très semblable. Mais on dénotait déjà chez l'un, plus d'extravagance et une propension à la mégalomanie. Depuis, leurs chemins se sont séparés. Mathieu Boogaerts a continué son petit bonhomme de chemin avec ses mélodies modestes et discrètes, loin de M et du star-system. Ses textes comme sa musique ont beau avoir gagné en profondeur, il n'a jamais égalé le charme sans âge de ce premier essai fait des brics et de brocs, jusqu'à la pochette cartonnée. Il y avait alors une fraîcheur et une inventivité qui faisaient un bien fou. Super, oui, c'est le mot.

9- Miossec - Boire 
Autre grosse révélation française de l'année à l'opposé des chansons douces amères de Boogaerts, Miossec n'a gardé que le deuxième adjectif. Car ici, ça ne caresse pas vraiment, disons plutôt que ça claque, ça crache, ça boit surtout. Et ça faisait surtout bien longtemps qu'on n'avait pas entendu quelque chose d'aussi direct et désespéré par chez nous. Il reprend au passage un obscur vieux titre de Johnny ("la fille à qui je pense") à qui il redonne une nouvelle vie et qui prend une drôle de tournure sortie de l'insouciance des yé-yés. Aujourd'hui, Miossec écrit les chansons de Johnny. La boucle est bouclée, comme on dit. On ne soupçonne jamais assez les ravages de l'alcool...

8- Gene - Olympian 
En pleine période brit-pop, il paraissait évident qu'un nouveau groupe anglais allait vouloir singer les Smiths. Leurs meilleurs porte-paroles furent donc Gene, plus proches des guitares de Johnny Marr, que de Morrissey dont ils empruntent seulement la voix et pas le cynisme. Le groupe n'a malheureusement pas survécu à la vague brit-pop. Reste cet "Olympian", petit précis parfait pour tout fan de la célèbre formation mancunienne.

7- Bjork - Post 
L'islandaise poursuit ses rêves de grandeur et ses expérimentations en rajoutant des vrais instruments dans sa mixture électronique. "Post" est une vraie comédie musicale (comme la fantasque reprise de "It's oh so quiet"), mais à son image, tordue, bizarroïde, remplie à ras bords de bruits en tout genre. Près de vingt ans plus tard, cette musique a gardé toute sa pertinence.

6- Radiohead - The Bends 
Après le basique "Pablo Honey" et son tube "Creep" qu'on imaginait trop grand pour eux, on ne donnait pas cher de la peau de Radiohead. C'est qu'on avait encore rien entendu. "The Bends" les propulse directement parmi les meilleurs formations d'outre-manche, réussissant à enfiler les petits classiques, de "Street Spirit" à "Fake Plastic Trees" en passant par "Just". On sait maintenant que ce n'était qu'une étape, Radiohead parvenant à faire encore mieux depuis. N'empêche, c'était déjà excellent. On n'en demandait déjà pas tant.

5- PJ Harvey - To Bring You My Love 
L'indomptable Polly Jean Harvey met un poil de douceur dans son rock ténébreux et se rêve presque en charmeuse, vénéneuse, (a)mante religieuse, femme fatale à la robe de soie rouge. Mais c'est encore de rouge sang, rouge de colère dont il est ici question. Le calme n'est qu'apparent, quand calme il y a. Sa musique n'a jamais été aussi enrobante, mêlant à merveille le chaud et le froid, pour mieux nous terrasser.

Ça fait maintenant trois ans que Mark Linkous a décidé de mettre fin à ses jours. Un film est en cours de réalisation pour retracer son parcours. Vous pouvez aider à sa production ici même. Ce disque au titre imprononçable était leur premier. Tout était déjà là. La rage comme le désespoir. Impossible de rester de marbre devant ses chevaux-là. Leur folk reste sans égal.

3- Supergrass - I Should Coco 
Au milieu de tous ces nouveaux groupes plus préoccupés par leur apparence physique ou à copier les glorieux aînés, a débarqué Supergrass. Et ces garnements ont tout balayé sur leur passage, faisant paraître très vieux toutes les autres formations pop de l'époque. Un tourbillon de fraîcheur encore diablement efficace aujourd'hui. Depuis, Supergrass est devenu adulte, puis s'est arrêté. Leur musique n'était faite pour la maturité. Tant mieux.

Dominique A abandonne ses petits claviers et son minimalisme qui était jusque là sa marque de fabrique. Sa musique toujours modeste gagne en ampleur et même en noirceur : "Ma haine a fait son choix et sur moi s'est portée" (sur "Je ne respire plus, Milos") ou le magnifique tourbillon des "Hauts quartiers de peine". Il rencontre même un beau succès d'estime avec le "Twenty-two bar" qui lui ouvrira les portes des Victoires de la musique. Il faudra attendre plus de quinze ans avant qu'il ne saisisse pleinement cette chance-là. Mais c'est toujours cette mémoire-là qui "nous convient à merveille".

1- Pulp - Different Class 
Jarvis Cocker et son groupe sont alors à leur zénith et s'il ne devait rester qu'un seul disque de la période brit-pop, ça serait sans doute celui-là. Emmené par deux singles indémodables ("Common People" et "Disco 2000"), Pulp enchaîne les tubes, l'écriture n'a jamais été aussi précise et décalée. Où comment danser intelligemment. Leur retour à Paris sur la scène de l'Olympia fut un excellent moyen de revivre ces années-là. Une classe différente, assurément.

Commentaires

  1. Gene - Olympian : Je ne connais absolument pas.
    Même si je suis moins fan de Mathieu Boogaerts, 1995 a été un grand cru pour Miossec et Dominique A.
    Pulp, Supergrass, Radiohead et PJ Harvey : que du bon !
    Sparklehorse : La naissance du mythe.
    Et Bjork en Diva électro-pop ! Décidément, 1995 a été une très grande année et ce top excellent !!!

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  2. Merci, merci. En 1995, on entre petit à petit dans mes années d'ado avec tous les souvenirs qui vont avec. J'entretiens avec chacun de ces disques ou presque une relation très personnelle.

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  3. Que des bonnes choses dans votre top même si mes pentes personnelles rendront mon hit-parade personnel assez sensiblement différent :
    1. Vic Chesnutt - Is the actor happy ?
    2. The Apartments - A life full of farewells
    3. PJ Harvey - To bring you my love
    4. Spain - The blue moods of Spain
    5. Tricky - Maxinquaye
    6. Palace Music - Viva last blues
    7. Red House Painters - Ocean beach
    8. Dominique A - La mémoire neuve
    9. Miossec - Boire
    10. Jean Bart - Fin et suite
    Mais 1995 était vraiment une année très riche et Sparklehorse, Bjork ou Radiohead ne sont effectivement pas loin dans mes préférences.

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  4. Houla que de souvenirs sur ces notes et ces voix.
    L'ondulant Boogaerts déjà parfait, Miossec un grand coup de fièvre avec un autre morceau de la même année, "Que deviens ton poing quand tu tends les doigts", PJ et cet album somptueux qu'elle a écrit sous le choc de l'écoute du 1er Portishead, baroque et éblouissant (avec un carreau de chocolat : "Common'Billy". Sparklehorse je suis ému d'en parler, un immense ami aux chansons si proches, prenant leur temps pour nous entourer de leur majesté. Bel ami qui nous manque. L'émotion est si forte lorsque j'écoute les Hauts quartiers que j'évite de trop le faire, comme pour le courage des oiseaux. Dominique a écrit des chansons qui ont emprunté des chemins ou nous nous retrouvions, de nouveau horizon avec beaucoup de courage et de génie. Je ne sais plus ce que j'écoutais en 95, mais je lis dans le commentaire au dessus Jean Bart et je me rappelle de ce beau morceau : « Modern style » et ce vers : "La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas, mademoiselle Brown"; Bien sur le Maxinquaye de Tricky fiévreux et entêtant. C'est doux de se rappeler.....

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    1. Jean Bart, oui, je l'avais complètement oublié celui-là. Je vais essayer de me le réécouter, car j'en gardais un bon souvenir aussi. Merci du conseil.

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  5. Je viens de tomber ici en tapant Babx, et puis je vois Mathieu Boogaerts et je me dis que, quand même, ça fait beaucoup de bon goût si on ajoute, puisque ce sont deux de mes français préférés des derniers temps, musicalement parlant, alors je clique, j'aime bien internet, et je vois Radiohead, Dominique A, PJ Harvey, Björk... oh c'est bien tout ça ! Je reviendrai ici, bonne soirée !

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